Un temps pour pleurer

Le temps a toujours fait pleurer ce pauvre Zihni,
J’allai au verger et je vis pleurer le gardien,
Les jacinthes sont simplement affreuses, les roses pleurent tristement,
Depuis que le rossignol bien-aimé a quitté ce verger. (Zihni)

Les larmes manifestent des sentiments comme la peine, la joie et la compassion, qui enflent intérieurement comme des nuages, et s’expriment à travers les yeux. Les soucis, la peine, l’impatience, l’ardeur, les objectifs, les espoirs, la séparation, la réunion – peut-être plus que tout cela, ce qui fait pleurer quelqu’un, c’est la crainte révérencielle et la peur de Dieu, en particulier celui dont le coeur est vigilant et qui L’aime profondément. D’autres formes de larmes sont le produit de situations naturelles et ordinaires; elles ne sont pas le résultat d’une ouverture à Dieu, et sont par conséquent banales.

Quant aux larmes déclenchées par des sentiments sincères et dont l’essence est fondée sur la foi et la connaissance de Dieu, elles jaillissent entièrement de la conscience qu’on a de Dieu, du sentiment qu’Il est en toute chose, de l’expérience de rêves de réunion future, du tremblement dû à la crainte révérencielle, et du fait de se tenir en Sa présence dans le respect le plus extrême. Cette conscience est limitée; très peu ont eu la chance de l’atteindre, et sa pérennité dépend de ce que le regard Le voit en toute chose, Le ressent, L’invoque, Le connaît et parle de Lui. Ceux qui savent ressentent de l’intérêt qui, lorsqu’il s’approfondit dans l’esprit, se transforme en amour, lequel devient avec le temps un amour pour Dieu passionné et irrésistible. Or de tels gens ne peuvent rester tranquilles; ils parcourent les déserts à grands pas, comme Majnun cherchant Layla.[1] De tels gens sont en permanence impatients de triompher de leur éloignement de Lui. Ils ne cessent de chercher des signes et des traces qui leur parlent de Dieu. Parfois ils s’entretiennent avec la création, et parfois ils interprètent les choses et les événements comme s’ils étaient des lettres venant de Lui, ils respirent leur parfum et tentent de les ressentir. Parfois ils sont émus par leurs messages et trouvent du soulagement dans les larmes. Et parfois ils tombent sous le charme de messagers qui leur parlent de Lui, poussant de profonds soupirs d’impatience. Telle est la situation de ceux qui essaient de sentir et de ressentir l’Artiste à travers Son art, de s’éveiller au Propriétaire de toutes les splendeurs à travers les splendeurs qu’ils rencontrent, de prêter l’oreille à tout ce qui Le leur rappelle et à L’écouter avec respect, ceux qui essaient de mener leur vie comme une broderie d’amour en cours de travail, ressentant une grande proximité et un grand amour pour tout, à cause de Lui.

Au moment de quitter et de retrouver des amis ou des proches parents, les yeux des gens se remplissent de larmes, peut-être pas pour des raisons aussi profondément ressenties que le respect de Dieu; c’est également une façon de pleurer, mais la valeur de chaque pleur se mesurera, dans la vie à venir, à la profondeur des sentiments et des pensées de celui qui souffre. Ceux qui s’ouvrent à Dieu et pleurent par crainte révérencielle et parce qu’ils rendent des comptes, ou ceux qui essaient de maîtriser l’orage pour la raison que donne le poète Fuzuli :

Tu dis que tu es un amoureux, alors ne te plains pas du tourment de l’amour. En te plaignant, n’informe pas les autres de ton tourment, eux qui sont les serviteurs loyaux à la porte du Bien-aimé. De tels gens gardent leurs secrets si fidèlement qu’ils sont même jaloux de leurs propres yeux. Leurs pleurs comme leurs silences sont sains et éloquents.

Par ailleurs, les larmes forcées, qui ne viennent pas du coeur, sont un spectacle déplaisant, un manque de respect pour les larmes authentiques, et une fourberie. C’est pourquoi se forcer à pleurer ne contribue qu’à réjouir le démon, et ne signifie rien sinon qu’on gâche par prétention un breuvage qui peut potentiellement éteindre le feu de l’enfer, et qu’on le gaspille.

Il est interdit de pleurer par mécontentement et grief face à l’infortune et au malheur. Se lamenter par crainte de l’avenir est une maladie de l’esprit, se lamenter sur ce qu’on a perdu est vain et un gaspillage de larmes.

Le chagrin du prophète Jacob à propos de ses fils Joseph et Benjamin venait de sentiments paternels et de compassion. Qui sait ? Peut-être les larmes de ce noble prophète venaient-elles de ce qu’il les considérait comme un espoir pour l’avenir, et du souci de leur rang devant Dieu. S’il en est ainsi – ainsi que nous l’admettons – alors les larmes de cette sorte ne sont pas à éviter. En outre, les larmes feintes des frères de Joseph devant leur père étaient une ruse et une tromperie. Le moment venu, Joseph leur pardonna et dit : « Qu’aucun reproche ne vous soit fait aujourd’hui. Que Dieu vous pardonne, Il est le plus Miséricordieux de ceux qui font miséricorde. » (12 : 92) Et ses frères répondirent : « Dieu t’a préféré à nous, et nous avons commis une faute. »

Pleurer par amour de Dieu, c’est manifester l’amour qu’on nourrit pour Lui. Celui qui possède un feu dans le coeur aura des larmes dans les yeux. Une personne aux yeux aussi secs que des déserts n’a pas de vie à l’intérieur d’elle-même.

La tristesse et les larmes sont les caractéristiques essentielles des prophètes de Dieu. Le prophète Adam pleura toute sa vie. Les larmes du prophète Noé furent comme une inondation de lamentations. Le Prophète Mohammed, la fierté de l’humanité, paix sur lui, a toujours reflété la poésie de ses sentiments dans les larmes. De ce point de vue, il ne serait pas faux de l’appeler le prophète de la tristesse et des larmes. Il lui est une fois arrivé de pleurer jusqu’au matin en répétant les versets suivants : Si Tu les punis, ils ne sont que Tes serviteurs, et si Tu leur pardonnes, Tu es le Puissant, le Sage (5 : 118) et Seigneur, elles (les idoles) ont égaré un grand nombre d’hommes. Celui qui me suit est des miens, alors que celui qui me désobéit… Tu es Celui qui pardonne, le Très Miséricordieux. (14 : 36) Quand l’archange Gabriel informa Dieu Tout Puissant de la raison de ces pleurs, Il soulagea le Prophète par la bonne nouvelle qu’Il ne contrarierait pas le Prophète à propos de la communauté.[2]

Le Messager de Dieu mena sa vie en état de tristesse et de réflexion perpétuelles, le plus souvent dans la contemplation, et alors il pleurait. Même si d’éventuelles bonnes nouvelles le réjouissaient, il s’exprimait très souvent comme un rossignol et versait des larmes. Un rossignol pleure et pousse des cris, même quand il se pose sur une rose. Il a virtuellement été créé pour pleurer. En revanche, les corneilles n’ont pas de tels soucis, et les corbeaux n’élèvent la voix qu’en quête de nourriture.

La tristesse et les larmes sont l’état habituel des amoureux de Dieu, et pleurer jour et nuit est le plus court chemin vers Lui. Ceux qui reprochent ses larmes à l’amoureux révèlent ainsi leur caractère grossier. Ne comprenant rien aujourd’hui aux coeurs qui brûlent de désir ardent, ils passeront leur vie dans l’autre monde dans le chagrin et l’envie.

Le Coran attire souvent l’attention sur les gens qui ont du feu dans le coeur et des larmes dans les yeux, et conseillent toujours de les prendre comme exemples.

Exprimant combien sont appréciés les yeux qui pleurent pour le bien de l’âme, pour le royaume de l’au-delà, par crainte révérencielle de Dieu et par repentir pour les péchés, le Coran parle de ceux qui ont déjà reçu la connaissance, tombent prosternés sur leur visage, lorsqu’on leur lit le Coran… leur humilité augmente (17 : 108-109) et considère les larmes versées pour l’amour de Dieu comme un don par lequel on implore Sa miséricorde.

Après que Dieu, dans la sourate Maryam, ait fait l’éloge de différents prophètes pour leurs mérites particuliers, Il conclut en évoquant leur caractéristique commune qui est de pleurer : Ils tombaient prosternés en pleurant quand les versets du Très Miséricordieux leur étaient révélés. (19 : 58)

Le Coran loue ceux qui reçoivent les premiers versets des toutes premières révélations faites au Messager de Dieu et qui alors furent émus – dont la foi atteint ainsi le niveau de la certitude – en entendant le message adressé au dernier Prophète. Il souligne l’importance que Dieu accorde aux larmes, disant : Et quand ils entendent ce qui a été révélé au Messager, tu vois leurs yeux déborder de larmes, à cause de la vérité qu’ils y reconnaissent. (5 : 83)

De même, le Coran insiste sur un autre groupe de héros des larmes, dans le verset suivant : … ceux qui, venus à toi pour que tu leur fournisses une monture, et auxquels tu as dit : « Je ne trouve aucune monture à vous donner », sont repartis, les yeux débordants de larmes, tristes de ne pouvoir en faire la dépense (9 : 92) et console leur cœur brisé par une proclamation divine.

Tout en nous rappelant que les vraies larmes sont la situation spécifique aux belles personnes, le Coran nous met aussi en garde au sujet de ceux qui passent leur vie à s’amuser, prenant la vie comme un jeu et un divertissement. Le Coran insiste pour une autre raison sur l’importance des larmes : qu’ils rient donc un peu, et qu’ils pleurent en abondance en rétribution de ce qu’ils ont fait. (9 : 82)

Le Coran souligne ce même fait dans des dizaines de versets et de différentes manières, et nous conseille d’adopter une attitude qui convienne à notre situation.

Le transmetteur béni du Coran, le Prophète, avec son âme radieuse, resta toute sa vie en accord avec ces conseils insistants donnés par le Coran. De temps en temps, il montrait à ses Compagnons les trois niveaux à gravir : « De bonnes nouvelles pour ceux qui contrôlent leur âme charnelle ! De bonnes nouvelles pour ceux qui maintiennent leur maison ouverte et prête (pour les invités) ! De bonnes nouvelles pour ceux qui versent des larmes à cause de leurs fautes ! »[3] Ainsi les invitait-il à rejoindre sa compagnie. Il attirait aussi l’attention de ses Compagnons sur les choses épouvantables qui se trouvent au-delà des domaines physiques, disant : « Si vous saviez ce que je sais, vous ririez peu et pleureriez beaucoup. »[4]

Il conseillait à ses Compagnons de pleurer et de verser des larmes, et il attirait l’attention sur le fait que des larmes dépourvues d’hypocrisie et versées par crainte révérencielle de Dieu étaient un bouclier contre le châtiment divin : « Il y a deux sortes d’yeux auxquels le feu de l’enfer ne touchera pas dans la vie de l’au-delà : les yeux qui versent des larmes par crainte révérencielle de Dieu, et les yeux qui font le guet et attendent l’ennemi sur les frontières. »[5]

Une autre fois, il insista sur la même idée avec des mots différents : « Il est impossible au lait sorti d’une poitrine de retourner d’où il vient. Il est de même impossible (en ce qui concerne la pratique divine de Dieu) à celui qui pleure et verse des larmes par crainte révérencielle de Dieu d’entrer en enfer. »[6] Ainsi insistait-il sur la valeur que Dieu accorde aux larmes. Et si ces larmes coulent loin du regard des gens, vues seulement par Dieu… Je dois avouer en vérité que je ne sais pas le critère permettant d’apprécier la mesure de l’excellence d’une telle chose.

Partout et toujours, le Prophète rappelait ce genre de choses aux gens, et il était loin au-delà de ce qu’il disait. Pendant qu’il priait, on entendit un bruit semblable au frottement d’une meule, sortant de sa poitrine, le bruit de ses pleurs intérieurs.[7]

Le Prophète demanda à Ibn Masud de lui réciter des versets du Coran. Quand Ibn Masud arriva au verset Que feront-ils quand Nous ferons venir (devant les gens, au Jour du jugement) un témoin (un prophète) de chaque communauté, et que Nous te ferons venir (ô Prophète) comme témoin contre eux (qui auront entendu ton message) ? (4 : 41), le Prophète lui fit signe de s’arrêter. Ibn Masud raconte : « Quand je me tournai vers lui, je vis qu’il versait des larmes. »[8]

Quand il versait des larmes, ses plus éminents Compagnons ne restaient certes pas insensibles. Ils pleuraient aussi, et parfois leurs pleurs devenaient un choeur de malheurs et de larmes. Quand le Prophète rappelait à ses Compagnons les versets disant : N’êtes-vous pas surpris par ce discours ? Allez-vous rire au lieu de pleurer (étant donné votre esprit récalcitrant et vos péchés) ? (53 : 59-60), ils se mettaient tous à pleurer et à gémir. Alors le Prophète, ému par cette scène, se joignait à eux pour verser des larmes. Voir le Prophète pleurer bouleversait encore plus les Compagnons, et ils s’abandonnaient entièrement aux larmes.[9] Ces gens bénis criaient et pleuraient en permanence. Parfois dans la joie de la foi et de la connaissance de Dieu, parfois dans la crainte du châtiment de l’au-delà, et parfois dans les ténèbres de l’horizon, ils pleuraient et se tournaient vers la porte de la miséricorde divine en poussant des cris suppliants.

À vrai dire, la prise en compte de celles de nos prières qui atteignent Dieu le plus rapidement dépend en grande partie de notre désir intérieur et de nos larmes, car il est impossible de trouver quoi que ce soit qui reflète les sentiments du coeur plus rapidement et plus purement que les larmes. Les forces du péché sont mises en déroute lorsque les sanglots venant du fond du coeur font flotter leur drapeau. Les coeurs vigilants sont soulagés quand les brises agréables de l’approbation divine touchent leur conscience.

Ceux qui passent leur vie dans le malheur et les larmes, par amour de Dieu, sont considérés par les habitants du paradis comme des rossignols de loyauté et d’amour divin. Quand ils commencent à chanter, tous les êtres spirituels se taisent et les écoutent. Puisque les larmes sincères sont une cascade jaillissant du coeur et émergeant par les yeux, on doit donc l’orienter vers l’éternité et l’offrir au Seigneur Tout Puissant, dans le plus extrême secret. Il ne faut ni la souiller par l’ostentation, ni transformer en acide du mensonge une chute d’eau destinée à vaincre le feu de l’enfer.

Nous vivons dans un monde qui a perdu sa lumière et qui, de tous côtés, est couvert de poussière et de fumée. Nous avons tous besoin de tourner notre regard vers le sol, en toute humilité, de regarder nos transgressions et nos péchés, et ensuite de laisser s’exprimer un gémissement pareil à un rossignol, tel que tous les habitants du paradis se hâtent à ce festival de pleurs, avec à la main des flambeaux rayonnants. En ces jours où les flammes autour de nous sont à ce point hors de contrôle, je pense qu’il est grand temps de fondre en larmes. Puisque les larmes sont une potion qui brise les sorts maléfiques de toutes sortes, au lieu de prendre plaisir à l’hilarité la plus grossière, nous devrions essayer de soulager notre mental et de mettre fin, par nos larmes, à la souffrance et aux lamentations.

Selon les amis de Dieu, les larmes contiennent le secret qui en fait la vie pour des corps inanimés, comme le souffle de Jésus, et elles apportent la vie partout où elles coulent, comme l’eau de la vie. Ceux qui par leurs larmes approfondissent les grottes de leur adoration nocturne fermées à tout autre que Dieu, et dont l’âme écoute la musique de la supplication, seront certainement revivifiés demain, sinon aujourd’hui, et continueront à insuffler la vie partout où ils iront.

Notre tapis de prière s’est asséché depuis longtemps. Depuis des années, nous tendons l’oreille vers les cris aigus de notre coeur. Notre atmosphère est aussi sèche que les déserts. Il semble que nous ne sentions pas la fournaise dans notre coeur, qui brûle de chagrin. Notre visage ressemble à des blocs de glace, et notre regard est vide de toute expression. Il n’y a dans notre poitrine pas trace d’une peine déchirante. Et notre expression n’est pas convaincante. Cette forme d’insouciance ne peut que nous rendre très difficile la marche vers l’avenir et la poursuite de notre existence.

Depuis le jour où nos larmes ont cessé de couler, les sources de bénédictions du ciel se sont aussi en un certain sens taries. Les pluies de l’inspiration ne tombent plus, les roses et les tulipes ne poussent plus. Les lumières du ciel vacillent et les vents éventuels sont faibles. Les habitants du paradis sont assoiffés de malheur et de larmes. Les résidents des cieux attendent les larmes pour former les nuages. Le poète Zihni l’a exprimé ainsi :

La rose et la jacinthe sont prises par les épines,
Les serpents se sont saisis du trône de Salomon,
Les joies spirituelles sont devenues malheur et gémissement.
Autrefois un âge de bonheur, aujourd’hui un temps pour pleurer.

Qui sait, peut-être les êtres célestes attendent-ils nos larmes avant de nous prendre en charge ? Peut-être, quand nous gémirons et pleurerons à cause des difficultés qui nous entourent de tous côtés, les horizons des royaumes célestes se rempliront-ils de nuages chargés de pluies miséricordieuses et, quand ils verront nos péchés, nos transgressions et nos fautes emportés dans le flot de nos larmes, se rempliront-ils de joie et se déverseront-ils sur nous avec compassion. Je suppose que parfois les êtres célestes – de la même façon que nous nous frottons le visage avec de l’eau de rose durant les rassemblements en l’honneur de la naissance bénie du Prophète – se frottent le visage avec nos larmes, qui sont les effluves de cœurs éplorés, et qu’ils reçoivent nos larmes comme un cadeau précieux que nous leur offrons.

Nos péchés et nos transgressions sont aussi énormes que des montagnes, et pourtant nos regrets et les larmes qui les accompagnent sont à peine visibles, et il n’y a pas trace de souffrance dans notre coeur. Nos cris et nos larmes concernent le plus souvent les choses de ce monde. Dans ces conditions, nous avons seulement besoin de larmes pour nous purifier des impuretés accumulées au cours des siècles. C’est probablement uniquement par les larmes que nous pouvons atteindre la porte du repentir et reconstruire notre vie gaspillée.

La faute du prophète Adam, qu’il considéra comme aussi immense que le mont Everest, s’est dissoute dans ses larmes et y a disparu. Comme l’encens qui répand un parfum agréable autour de lui quand il brûle, il brûla à l’intérieur et poussa des gémissements de regrets, et fut ainsi exalté à un rang honorable, tel un trône que les anges vénèrent. Et quand vint le temps où ses souffrances prirent fin, l’aube de chaque nouveau jour se leva dans les couleurs du décret de son pardon.

Pour ce qui concerne ce qui nous incombe après tant de péchés, de transgressions et de souffrances en découlant, je pense que nous devons chercher des moments où nous sommes loin des yeux des autres, cachés derrière le voile de la nuit, prosternés devant Dieu, et verser des larmes … pour notre manque de foi, notre incapacité à être vraiment sincères, nos zigzags permanents sur le chemin, notre échec à accomplir ce qu’exige notre situation, notre impuissance à adopter une attitude saine quand se développe ce qui nous est accordé, et pour les péchés de ceux qui suivent notre mauvais exemple. Nous devons pleurer d’une façon telle qu’à partir de maintenant les êtres célestes, qui pleurent en permanence, verseront des larmes provoquées par nos pleurs.

Nous avons échoué à protéger la situation qui nous était accordée; Nous avons échoué à adopter une attitude ferme et consciente, en toute sincérité. Nous nous sommes lâchés mutuellement les mains, nous avons perdu ce qui nous était cher, les roses ont été détruites par l’automne, et les rossignols ont commencé à pleurer avec mélancolie. Les fontaines se sont taries, les rivières asséchées. Les épines sont apparues, et les corbeaux croassent alentour. Nous devrions dire quelque chose avec la langue du coeur, et mettre fin à cette sécheresse en versant sur nos désirs et nos émotions des potions faites de larmes.

Notre Créateur nous a fixé une orientation, visant à vivre conformément à notre potentiel, et nous a dotés de bénédictions comme un corps, la vie, le sentiment, la conscience, la cognition, etc. Mais nous avons tout sacrifié à nos fantasmes et sommes restés loin en arrière de la position qu’il nous était ordonné d’adopter, aussi loin qu’il nous était possible de nous retirer; en restant en arrière nous avons gâché notre capacité à vivre en êtres humains et nous nous sommes portés préjudice à nous-mêmes. Au moins, à partir de maintenant, devrions-nous faire preuve de détermination pour conduire notre vie dans la direction de notre coeur !

Allons ! Chantons des lamentations pour expier la joie insouciante qui nous a habités jusqu’à ce jour. Inquiétons-nous un peu et disons adieu à une vie orientée vers le charnel; essayons de sentir aussi les autres nuances de la vie. Exprimons nos inquiétudes, écoutons nos inquiétudes, et cherchons des moyens d’être proches de Celui qui écoute ceux qui s’inquiètent.

Les beaux jours de notre vie ont pour la plupart été gaspillés. Nous voyons maintenant à l’horizon les signes de la nuit qui succède au jour de notre vie. Ce qui nous incombe maintenant est d’allumer un flambeau pour la longue nuit qui suivra cette vie. À partir de maintenant, au moins, nous avons besoin de revenir à nous-mêmes, de nous libérer de cette confusion, de nous tourner vers notre essence et d’exprimer par des larmes le désir enfoui dans notre coeur. Et nous devrions savoir que, aux yeux de Dieu, rien n’a jamais été versé sur cette terre qui Lui soit plus cher que des larmes sincères. Les gouttes qui tombent aujourd’hui sur terre se transformeront bientôt en une verdure magnifique alentour. Allons, dans cette steppe plus sèche que les déserts, soyons pour chacun l’échanson des larmes et servons autour de nous un banquet des fruits les plus frais que nous puissions offrir, accompagnés des poèmes lyriques de nos émotions et de la mélodie de nos larmes.

[1] Métaphore soufie pour évoquer l’initié à la recherche de Dieu.
[2] Muslim, Iman, 346.
[3] Munziri, at-Targib wa’t-Tarhib, 4/116.
[4] Bukhari, Kusuf, 2; Muslim, Fadail, 134.
[5] Tirmidhi, Fadail al-Jihad, 12.
[6] Tirmidhi, Fadail al-Jihad, 8; Nasai, Jihad, 8.
[7] Abu Dawud, Salat, 157; Nasai, Sahw, 18.
[8] Bukhari, Fadail al-Qur’an 33; Muslim, Salat al-Musafirin 247.
[9] Bayhaqi, Shuab al-Iman, 1/489.
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